Gwenaël Billaud « flash glam trash » *

* Titre inspiré du site internet « http://www.flashglamtrash.com/ »


« Imposer au spectateur divers modes de présence de la mort, organiser en quelque sorte, nos rencontres avec la mort à venir : telle est sans doute l’une des fonctions de l’art » **

** Gilbert Lascault, « l’art et les cadavres »

Encyclopédie Universalis, version 11, 2004




Bowie & Burroughs, technique mixte sur toile, 116 x 89 cm, 2009.

Raconteur d’histoire pluridisciplinaire, sa narration s’articule autour d’obsessions : film d’horreur, musique ringarde, série b, violence et hémoglobine… L’artificiel, le superficiel, le culte de l’apparence sont en ligne de mire dans un esprit pop/punk glam : la branchitude et ses codes sont détournés. Gwenaël Billaud travaille par amalgame, compilation. Une navette opère un va-et-vient de la mort à la vie : les tueurs en série (qui ôtent la vie), les condamnés à mort (qui sont dans l’attente d’une mort programmée) et les morts vivants et autres zombies (qui quant à eux « jouent les prolongations »[1]).

L’œuvre de Gwenaël Billaud met en place un mécanisme d’attraction et de répulsion car il fait la démonstration de la création du mythe : les grands criminels sont traités en Dieux démoniaques par les journalistes, policiers et romanciers comme le précise Denis Duclos[2]. Il y ajoute des icônes de la mode et de la musique telles que David Bowie ou Kate Moss en un maelström de références créant une fiction infâme et informe, une sorte de « mise en scène des plaisirs horribles »[3].
Il érotise ainsi la mort, mais « le cadavre est le comble de l’abjection, il est la mort infestant la vie »[4]. Ce qui est abject est : « ce qui perturbe une identité, un système, un ordre »[5], c’est sur ce point que s’articule l’ensemble du travail de Gwenaël Billaud tant en peinture, installation que performance.

Le jeu est là aussi dans cette compilation d’images, un jeu avec l’obscène qui a peut-être pour but de mettre à distance l’inéluctable : « pour l’apprivoiser nous le manipulons sous la forme du jeu, un jeu d’aller et retour (…) avec la mort (…) nous la rapprochons, puis nous la rejetons à notre gré. Nous sommes pour un instant maître par ce jeu d’images de celle qui, à la fin, gagne toujours »[6].

De cette confrontation, nous ne sortons pas indemnes. Gwenaël Billaud pointe du doigt « une société captivée par le criminel »[7] et les monstres qu’il met en scène nous renvoient à nous-mêmes : « Parce qu’il est surface d’inscription, le monstre montre, mais il montre en renvoyant après avoir opéré une altération »[8]. Gwenaël Billaud crée en quelque sorte des contes de fées dans lesquels le loup a été remplacé par le tueur implacable.
La fonction initiatique du conte est ici remise en question.

Yann Perol, octobre 2009


[1] Paul Ardenne, L’image corps, Paris, éditions du regard, 2001, p.403
[2]
Denis Duclos , Le complexe du loup-garou – la fascination de la violence dans la culture américaine, Paris, La Découverte, 2005, p.39
[3]
Denis Duclos, op. cit., p.22
[4]
Julia Kristeva, Pouvoirs de l’horreur, Essai sur l’abjection, Paris, Points, 1983, p.11
[5]
ibid. p.12
[6]
Corinne Maier, L’obscène - la mort à l’œuvre, La Versanne, Encre marine, 2004, p.27
[7]
Denis Duclos, Le complexe du loup-garou - La fascination de la violence dans la culture américaine, Paris, La Découverte, 2005 p.15
[8]
Roger Dadoun, King kong, du monstre comme dé-monstration, Paris, éditions Séguier, 1999, p.57